Mylène Paquette s’est rendue célèbre en 2013 en traversant l’océan Atlantique à la rame en solitaire. Très présente sur Internet, elle a blogué, microblogué et publié des images pendant la préparation de sa traversée ainsi que pendant la traversée elle-même. Depuis son retour, elle a donné près de deux cents conférences en plus d’accorder des entrevues aux médias et de poursuivre son rôle d’ambassadrice du fleuve Saint-Laurent pour la Fondation David Suzuki. Elle a tout le même trouvé le temps, cet été, de s’isoler dans le bois pour pondre un livre au sujet de son expérience : Dépasser l’horizon, qui vient de paraître aux Éditions La Presse.
Pour souligner la sortie de ce volume, la librairie Paulines recevait Mylène Paquette pour une causerie animée par l’écrivaine et animatrice Claudia Larochelle. Avant d’entamer mon compte-rendu de cette soirée, je vous invite à visionner cette courte vidéo, mise en ligne il y a quatre ans. Sur des images de sa traversée de l’Atlantique en équipe, Mylène Paquette y explique son projet de traversée en solitaire.

Claudia Larochelle et Mylène Paquette
Donc, le 17 novembre dernier, un an après être arrivée en France à la rame en solitaire, Mylène Paquette est allée à la rencontre de ses lecteurs, à commencer par Claudia Larochelle, qui s’émerveille du talent d’écriture et du courage de la rameuse. Mylène Paquette explique que c’est son travail auprès d’enfants malades, au CHU Sainte-Justine, qui lui a donné l’urgence de vivre qui l’a poussée à entreprendre un projet d’une telle envergure.
Il y a quelques années, Mylène Paquette ne faisait pas de bateau. C’est avec des réticences qu’elle a accepté, un été, l’invitation de sa sœur à aller faire de la voile sur le lac Champlain. « J’ai vraiment eu la piqûre, » explique Paquette, se remémorant sa fascination initiale pour le fonctionnement du bateau et pour les magazines de voile prêtés par son beau-frère. De retour du lac Champlain, elle a commencé à faire des recherches sur Internet, à suivre les blogues de différents passionnés de la voile à travers le monde, puis à prendre des notes à en remplir cartable après cartable. C’est au détour d’un blogue qu’elle a découvert la rame océanique. Pour la première fois de sa vie, elle avait une passion, et bientôt un rêve, un projet : traverser l’océan Atlantique en solitaire, à la rame.

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Elle a donc commencé son entraînement physique. Elle a d’abord prétendu viser une perte de poids, craignant que si elle révélait ses intentions réelles, ses proches et ses collègues de travail lui diraient que c’est impossible et qu’elle finirait par se décourager. Ce n’est qu’en 2009 qu’elle a suivi des formations de navigation, de survie et de mesures d’urgence en mer. En 2010, elle a traversé l’Atlantique à la rame pour la première fois, accompagnée de cinq Anglais. Elle a ensuite commencé à préparer sa traversée en solitaire : recherche de commanditaires, achat d’un bateau à rames océanique, voyage en solitaire de Montréal aux Îles-de-la-Madeleine, etc. « Il y a plein de petits sauts dans le vide, » dit-elle, racontant comment elle a quitté un emploi stable pour se consacrer à sa traversée et comment, tout en étant emballée par son projet, elle avait de nombreuses peurs.

Claudia Larochelle et Mylène Paquette
Ses peurs, Mylène Paquette s’est forcée à les confronter sur l’océan. « On a l’impression qu’on va mourir [du mal de mer]. C’est plate parce qu’on ne peut pas mourir de ça, » raconte-t-elle. Elle raconte aussi comment, seule près du lieu de naufrage du Titanic, elle a commencé à avoir peur, la nuit, des zombies, s’imaginant les naufragés du Titanic s’en prenant à son bateau. Elle a en a même parlé sur Internet, ce qui a poussé un passionné de films et de livres de zombies à téléphoner à son équipe au sol pour leur dire d’informer la rameuse que « Les zombies ne savent pas nager. »
L’angoisse l’ayant accompagnée tout au long de sa traversée, Mylène Paquette en a parlé dans son récit. « Je lisais [Dépasser l’horizon] dans mon bain. J’angoissais, » confie Claudia Larochelle. Or, si passer 129 jours seule sur un bateau peut être source d’angoisse, c’est également source d’expériences positives. Mylène Paquette explique qu’ayant été témoin, dans le cadre de son travail de préposée dans un centre hospitalier, de grandes souffrances, elle était à la recherche d’un absolu, de ressentir un absolu qui serait, au contraire, positif. Cet absolu, elle l’a trouvé dans le ciel nocturne qu’elle pouvait voir de son embarcation. Sans smog, sans autre source de lumière que les étoiles, couchée, elle regardait vers le haut. « À chaque fois que je regardais les étoiles, je me disais qu’il y [avait] quelqu’un qui regardait les étoiles en se disant qu’il y [avait] quelqu’un qui regardait les étoiles, » confie la rameuse. Elle s’émerveille aussi de la quantité de lumière que produisent les étoiles : « Juste un ciel étoilé pas de nuages, tu peux lire un livre. »

Pierre Ménard présentant mesdames Larochelle et Paquette
Interrogée par Claudia Larochelle à ce sujet, Mylène Paquette parle de ce qu’elle a lu en bateau. Elle a beaucoup apprécié Soie d’Alessandro Baricco, ainsi que C’était au temps des mammouths laineux de Serge Bouchard. Elle a aussi amorcé la lecture de J’enterre mon lapin de François Barcelo et Agathe Bray-Bourret. Le personnage principal et narrateur de ce roman graphique étant un déficient intellectuel, de nombreuses fautes d’orthographe ont intentionnellement été laissées dans le texte, ce qui rendait la lecture d’autant plus difficile que, des fois, en raison des mouvements du bateau, Mylène Paquette regardait ailleurs ou sautait une ligne et perdait le fil. Finalement, comme elle apprécie beaucoup l’écriture de François Avard, la rameuse a également lu Avard Chronique, ce qui lui permettait, dit-elle, de se sentir sur terre.
Au fur et à mesure que sa traversée avançait, Mylène Paquette a commencé à se sentir de plus en plus connectée avec l’océan, à sentir la présence des animaux marins avant de les apercevoir, à avoir l’intuition qu’elle allait chavirer avant que son embarcation ne se retourne, et même à avoir l’impression, dans les grosses vagues, qu’une main était posée sur son épaule. Plus que nulle part ailleurs, elle se sentait le droit d’être là. « Il n’y a pas d’endroit dans le monde où je me suis mieux sentie que sur l’océan, » affirme-t-elle.
Très sensible à la cause écologique, elle espère que son témoignage aidera non seulement à démystifier l’océan, mais à mobiliser la population. « Autant que je voyais des mammifères, je voyais des déchets. Autant que je voyais des oiseaux, je voyais des déchets, » raconte-elle. Elle poursuit donc son implication auprès de la Fondation David Suzuki, en plus de parler d’écologie lors de ses conférences.
À force de s’exprimer en public, Mylène Paquette est devenue très à l’aise avec un micro. C’est un plaisir de l’entendre. Quand à Claudia Larochelle, elle sait animer tout en laissant beaucoup de liberté aux gens qu’elle passe en entrevue. Si vous lisez cet article le jour-même ou le lendemain de sa parution, je vous encourage à aller faire la rencontre des deux auteures samedi le 22 novembre ou dimanche le 23 novembre au Salon du livre de Montréal.