Enfant, je passais quelque jours, chaque été, au chalet de ma famille, situé en bordure d’un lac en Mauricie. Le matin, j’étais toujours la première éveillée. Je me glissais silencieusement hors de la chambre pour m’installer confortablement sur le canapé. La puissante lumière solaire se réfléchissait sur le lac et me réchauffait à travers la vitre. Je lisais ainsi quelques heures, seule dans le silence. Mon frère et moi avions apporté de nombreux livres de bibliothèque, mais ce n’était jamais assez. Je me saisissais donc d’une pile de vieux magazines avant de commencer à en parcourir les pages avec fascination.
Le magazine Croc avait celà d’étonnant qu’il mêlait articles, bandes dessinées et romans photos de style variés, qu’il parodiait le monde entier tout en conservant un point de vue québécois et qu’il rendait hilarants tous les sujets, sans discrimination. Pour moi, dont la connaissance des périodiques se limitait à Pomme d’Api, J’aime lire et Images Doc, ce magazine était absolument extraordinaire.
Je fus déçue d’apprendre de mon père que le magazine Croc avait cessé d’exister en 1995. Je ne parvenait pas à comprendre pourquoi un magazine si drôle pouvait avoir manqué d’argent et fermé ses portes. Le monde est injuste et j’étais née trop tard pour vivre les années Croc.
Publié de 1979 à 1995, le magazine Croc ne craignait ni le ridicule ni la polémique. Au fil des parutions, de nombreux dessinateurs et humoristes québécois ont participé à la création de Croc : Claude Meunier, Sylvie Desrosiers, Stéphane Laporte, Guy A. Lepage, Pierre Lebeau, Serge Gaboury, Réal Godbout, Garnotte, Jacques Goldstyn et Jean-Paul Eid, pour ne nommer que ceux-là. En 2013, BAnQ (Bibliothèque et Archives nationales Québec) a rendu disponible gratuitement en ligne chacun des numéros du magazine.

Michel Viau et Jean-Dominic Leduc
En novembre dernier, j’ai eu la chance de rencontrer Jean-Dominic Leduc et Michel Viau au Salon du livre de Montréal. Il m’ont offert un exemplaire de leur livre Les années Croc (LEDUC, Jean-Dominique et VIAU, Michel. Les années Croc : L’Histoire du magazine qu’on riait. 2013. Montréal : Québec Amérique, 416 pages. Pour la suite de cet article, les lettres AC feront référence à cet ouvrage.) Le volume retrace l’histoire du magazine Croc au fil de courtes biographies et d’entretiens avec les humoristes, dessinateurs et autres créateurs y ayant contribué, d’articles sur l’évolution du magazine et sur les événements qui l’ont marqué ainsi que d’une multitude de bandes dessinées, de photos et de dessins parus dans Croc.

Le livre est divisé en 17 sections : une pour chaque année de parution du magazine, ainsi qu’une pour « l’avant-Croc » et une pour « l’après-Croc ». Chacune de ces sections commence par un paragraphe permettant de se situer par rapport à l’histoire du Québec et de son paysage culturel. Ainsi, pour 1979, année de création du magazine Croc, on peut lire : « En 1979, le Parti Québécois fait connaître la question référendaire, le salaire minimum est de 3,47 $ de l’heure, l’ADISQ (Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo) célèbre son premier gala tandis que les Nordiques de Québec affrontent pour la première fois le Canadien de Montréal dans un match de la Ligue Nationale de hockey. La pièce Broue prend l’affiche au théâtre des Voyagements. Cette pièce a été présentée plus de 3 000 fois depuis, devenant ainsi le plus grand succès théâtral au Québec. Forte de l’aide financière accordée par le gouvernement de René Lévesque, l’équipe de Jacques Hurtubise s’active à préparer la sortie de son nouveau magazine d’humour, qui n’a pas encore de nom. Pendant ce temps-là, la ville de Drummondville vit ses dernières heures de paix et aménage un édifice pour en faire la bibliothèque municipale. » (AC, page 43) Après le paragraphe d’introduction, chaque section contient des informations plus détaillée sur les événements
ayant marqué l’histoire du magazine. Le tout est accompagné d’images tirées de la revue Croc, de dessins publicitaires, d’entrevues (facilement identifiables puisqu’elles sont imprimées sur fond jaune), d’articles sur différentes revues humoristiques québécoises, et bien plus. Le volume se termine par une liste exhaustive des invités des photos-théâtres Croc, des livres et albums tirés du magazine et des personnes ayant participé à la création de chaque numéro.
En lisant, j’avais l’impression d’être de nouveau cette enfant qui lisait et relisait chaque page avec fascination. Louise Richer avertit le lecteur, dans sa préface, que « ce bouquin est un piège. Impossible de ne pas y mettre l’orteil sans finalement s’y plonger et s’y noyer. Comme à la publication de chaque numéro du défunt magazine Croc, on y furète, on y farfouille, on y vadrouille. Comme dans un magasin de bonbons, on s’étourdit avant d’en choisir une page. Rendu à la dernière page, on retourne au début et on recommence plus lentement, histoire de ne rien rater. Une couple d’heures plus tard, on aura relu certains passages cinq
ou six fois ! Et en prime, on sera victime de se curieux paradoxe : se sentir gavé et en vouloir encore! » (AC, page 3) Cela décrit assez bien comment j’ai lu Les années Croc. Chaque page contient une multitude de perles, d’un coin de (parodie de) couverture de revue portant l’inscription « Comment crever un œil avec un coin de revue » à une définition du mot alphabétisation se lisant comme suit : « Action d’ajouter des nouilles alphabet dans la soupe ». J’encourage tous ceux qui ont aimé le magazine Croc à faire la lecture des Années Croc. N’hésitez pas à partager votre opinion sur le livre et le magazine dans les commentaires!
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Les années Croc
Enfant, je passais quelque jours, chaque été, au chalet de ma famille, situé en bordure d’un lac en Mauricie. Le matin, j’étais toujours la première éveillée. Je me glissais silencieusement hors de la chambre pour m’installer confortablement sur le canapé. La puissante lumière solaire se réfléchissait sur le lac et me réchauffait à travers la vitre. Je lisais ainsi quelques heures, seule dans le silence. Mon frère et moi avions apporté de nombreux livres de bibliothèque, mais ce n’était jamais assez. Je me saisissais donc d’une pile de vieux magazines avant de commencer à en parcourir les pages avec fascination.
Le magazine Croc avait celà d’étonnant qu’il mêlait articles, bandes dessinées et romans photos de style variés, qu’il parodiait le monde entier tout en conservant un point de vue québécois et qu’il rendait hilarants tous les sujets, sans discrimination. Pour moi, dont la connaissance des périodiques se limitait à Pomme d’Api, J’aime lire et Images Doc, ce magazine était absolument extraordinaire.
Je fus déçue d’apprendre de mon père que le magazine Croc avait cessé d’exister en 1995. Je ne parvenait pas à comprendre pourquoi un magazine si drôle pouvait avoir manqué d’argent et fermé ses portes. Le monde est injuste et j’étais née trop tard pour vivre les années Croc.
Michel Viau et Jean-Dominic Leduc
En novembre dernier, j’ai eu la chance de rencontrer Jean-Dominic Leduc et Michel Viau au Salon du livre de Montréal. Il m’ont offert un exemplaire de leur livre Les années Croc (LEDUC, Jean-Dominique et VIAU, Michel. Les années Croc : L’Histoire du magazine qu’on riait. 2013. Montréal : Québec Amérique, 416 pages. Pour la suite de cet article, les lettres AC feront référence à cet ouvrage.) Le volume retrace l’histoire du magazine Croc au fil de courtes biographies et d’entretiens avec les humoristes, dessinateurs et autres créateurs y ayant contribué, d’articles sur l’évolution du magazine et sur les événements qui l’ont marqué ainsi que d’une multitude de bandes dessinées, de photos et de dessins parus dans Croc.
Le livre est divisé en 17 sections : une pour chaque année de parution du magazine, ainsi qu’une pour « l’avant-Croc » et une pour « l’après-Croc ». Chacune de ces sections commence par un paragraphe permettant de se situer par rapport à l’histoire du Québec et de son paysage culturel. Ainsi, pour 1979, année de création du magazine Croc, on peut lire : « En 1979, le Parti Québécois fait connaître la question référendaire, le salaire minimum est de 3,47 $ de l’heure, l’ADISQ (Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo) célèbre son premier gala tandis que les Nordiques de Québec affrontent pour la première fois le Canadien de Montréal dans un match de la Ligue Nationale de hockey. La pièce Broue prend l’affiche au théâtre des Voyagements. Cette pièce a été présentée plus de 3 000 fois depuis, devenant ainsi le plus grand succès théâtral au Québec. Forte de l’aide financière accordée par le gouvernement de René Lévesque, l’équipe de Jacques Hurtubise s’active à préparer la sortie de son nouveau magazine d’humour, qui n’a pas encore de nom. Pendant ce temps-là, la ville de Drummondville vit ses dernières heures de paix et aménage un édifice pour en faire la bibliothèque municipale. » (AC, page 43) Après le paragraphe d’introduction, chaque section contient des informations plus détaillée sur les événements
ayant marqué l’histoire du magazine. Le tout est accompagné d’images tirées de la revue Croc, de dessins publicitaires, d’entrevues (facilement identifiables puisqu’elles sont imprimées sur fond jaune), d’articles sur différentes revues humoristiques québécoises, et bien plus. Le volume se termine par une liste exhaustive des invités des photos-théâtres Croc, des livres et albums tirés du magazine et des personnes ayant participé à la création de chaque numéro.
En lisant, j’avais l’impression d’être de nouveau cette enfant qui lisait et relisait chaque page avec fascination. Louise Richer avertit le lecteur, dans sa préface, que « ce bouquin est un piège. Impossible de ne pas y mettre l’orteil sans finalement s’y plonger et s’y noyer. Comme à la publication de chaque numéro du défunt magazine Croc, on y furète, on y farfouille, on y vadrouille. Comme dans un magasin de bonbons, on s’étourdit avant d’en choisir une page. Rendu à la dernière page, on retourne au début et on recommence plus lentement, histoire de ne rien rater. Une couple d’heures plus tard, on aura relu certains passages cinq
ou six fois ! Et en prime, on sera victime de se curieux paradoxe : se sentir gavé et en vouloir encore! » (AC, page 3) Cela décrit assez bien comment j’ai lu Les années Croc. Chaque page contient une multitude de perles, d’un coin de (parodie de) couverture de revue portant l’inscription « Comment crever un œil avec un coin de revue » à une définition du mot alphabétisation se lisant comme suit : « Action d’ajouter des nouilles alphabet dans la soupe ». J’encourage tous ceux qui ont aimé le magazine Croc à faire la lecture des Années Croc. N’hésitez pas à partager votre opinion sur le livre et le magazine dans les commentaires!
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À propos de emerancega
J'ai 25 ans, une collection de cubes Rubik et un amour inconditionnel pour la littérature.