Entre les couvertures : la place de l’érotisme dans l’écriture LGBT, tel était le titre de la table ronde qui s’est tenue ce soir au bar Le Cocktail, bien qu’il était surtout question du L et du G (l’écriture lesbienne et gaie). La soirée, organisée par Denis-Martin Chabot (ci-contre), avec l’aide, bien sûr, des bénévoles de Fierté Montréal, a été un succès. Plus de cinquante personnes ont assisté à la discussion que François-Alexandre Bergeron animait entre les auteurs Denis-Martin Chabot, Simon Boulerice, Jamie Leigh, Chantal Morin et Mathieu Leroux.
Denis-Martin Chabot, écrivain et journaliste, croit fermement à la place de l’érotisme et du sexe explicite dans la littérature homosexuelle. Il explique qu’il veut montrer ce qui différencie les gais des hétéros, et qu’il faut en être fier. Tout a sa place en littérature, des textes très portés sur les sentiments de Chantal Morin aux passages très crus du roman Dans la cage de Mathieu Leroux, dans lesquels la tendresse est refoulée, presque absente.
Pour Simon Boulerice (à mes côtés ci-contre), romancier, dramaturge et comédien, il est important de ne pas se censurer. Son roman Les Jérémiades met en scène un enfant de neuf ans qui découvre la sexualité avec un adolescent de quinze ans. Boulerice déclare ne pas avoir peur d’être très cru dans son écriture. Il ne voit pas de problème à ce que des adolescents lisent ses textes. Il souligne que les adolescents ont déjà des expériences semblables à ce qui est décrit dans ses œuvres. Personnellement, Simon Boulerice n’a pas eu de relations sexuelles à un aussi jeune âge que son personnage, mais il fantasmait déjà.
Jamie Leigh, qui a écrit plusieurs romans lesbiens en collaboration avec Kyrian Malone, ajoute que l’écriture permet de « réaliser [ses] fantasmes sans les réaliser », de manière à assouvir ses pulsions, mais seulement de manière temporaire. Leigh et Malone sont en couple depuis onze ans et écrivent ensemble depuis huit ans. Malgré quelques conflits d’écriture (chacune « défend son personnage », confie Leigh), les deux femmes ont de la facilité à écrire ensemble. Selon Leigh, deux écrivaines, c’est deux fois plus d’idées et de productivité.
François-Alexandre Bergeron (ci-contre en compagnie de Jamie Leigh), romancier lui aussi, bien préparé à la discussion, fait des rapprochements entre les œuvres des différents auteurs. Il remarque que dans plusieurs textes, le sexe et la mort sont intimement liés. On songe à la série Serial Killer de Malone et Leigh, bien sûr, mais aussi au roman Dans la cage, dont l’auteur, Mathieu Leroux, rappelle que le SIDA est à la rencontre de la mort et du sexe. Quand à Denis-Martin Chabot, il préfère écrire au sujet de la peur de mourir que de la mort elle-même. Interrogé au sujet de son univers littéraire souvent noir et mettant en scène la perte de l’innocence, Chabot songe aux scènes horribles auxquelles il a assisté en tant que journaliste en Afghanistan. Questionné au sujet de la violence, Mathieu Leroux explique que le personnage de Dans la cage l’utilise pour se sentir vivant, pour se convaincre qu’il est en contrôle, peut-être aussi pour ressentir quelque chose, tout simplement. Même si leurs textes se rejoignent au niveau de l’homosexualité, les participants à la discussion s’abreuvent à différentes fontaines d’inspiration.
Chantal Morin (ci-contre) , écrivaine mais aussi éditrice, explique que l’idée d’une nouvelle lui vient souvent de « deux minutes de [sa] vie ». Quand à Jamie Leigh, elle raconte qu’une idée peut naître d’une personne croisée dans la rue, d’une conversation au travail, d’un article de journal… de tout, quoi! Mathieu Leroux affirme que sa famille est une source d’inspiration particulièrement riche. Simon Boulerice admet que lui aussi s’inspire de sa famille. Il ajoute : « Je vampirise beaucoup ma mère. » La sphère intime est importante pour lui (il a d’ailleurs déjà écrit de l’autofiction), mais il lui arrive souvent de s’abreuver à la rubrique insolite des journaux. Il aime ce qui est différent, atypique. Boulerice s’intéresse aussi beaucoup au thème de l’échec. D’après lui, l’échec révèle l’être humain. Finalement, Denis-Martin Côté explique qu’il se sert souvent des informations non utilisées dans ses reportages comme d’une banque d’idées.
Mathieu Leroux, écrivain, comédien et marionnettiste a bien raison de sourire sur la photo ci-contre : la soirée s’est très bien déroulée, et ce n’est pas fini. L’estrade et les moyens techniques gracieusement mis à la disposition de Fierté littéraire par le bar Le Cocktail s’animeront de nouveau demain soir à dix-neuf heures pour accueillir une nouvelle table ronde, cette fois au sujet de la transsexualité dans la littérature.
Pour aller plus loin, découvrez les œuvres des participants à la discussion de ce soir :
– Le journal intime de Dominique Blondin, Denis-Martin Chabot
– Les Jérémiades, Simon Boulerice
– Serial Killer, Jamie Leigh et Kyrian Malone
– Mémoires épicuriennes, Chantal Morin
– Dans la cage, Mathieu Leroux