Le 7 novembre de cette année sera la treizième Journée Internationale de l’écrivain africain. Cela me semblait la parfaite occasion pour vous parler des littératures francophones d’Afrique, ainsi que de leur histoire.
Le français a d’abord été introduit en Afrique par la colonisation, au XIXe siècle. À cette époque, la production littéraire de l’Afrique était l’apanage des colons français. Cette littérature coloniale présentait l’Afrique d’un point de vue étranger, s’adressait à un public français et décrivait souvent les africains comme des « sauvages » à civiliser.
Ce n’est qu’au vingtième siècle que sont publiées des œuvres littéraires adoptant une vision intérieure de l’Afrique et s’intéressant à la vie quotidienne plutôt qu’à l’exotisme. En 1921, René Maran reçoit un prix Goncourt pour son roman Batouala. L’auteur est Antillais, mais il vit en Afrique et son livre est un des premiers dans lesquels les Africains peuvent réellement se reconnaître. Batouala connaît un grand succès, mais aussi de nombreuses critiques. Pour la première fois, un roman largement diffusé remet en question la colonisation, ce qui fait scandale.
Dans les années 1930 naît le courant de la négritude, qui rassemble des écrivains noirs de différents pays. Courant à la fois littéraire et politique, la négritude combat la mentalité colonialiste et esclavagiste selon laquelle les valeurs « civilisatrices » des Blancs seraient supérieures aux valeurs « sauvages » des Noirs. Pour le poète martiniquais Aimé Césaire, « [le mot « négritude »] désigne en premier lieu le rejet. Le rejet de l’assimilation culturelle ; le rejet d’une certaine image du Noir paisible, incapable de construire une civilisation. » Ironiquement, c’est Paris qui devient le centre de la négritude car c’est là que les intellectuels noirs, venus pour leurs études, se rassemblent.
Si les œuvres de la négritude sont essentiellement des textes poétiques, les Africains écrivent également des romans.
Même si logiquement le roman africain prend la suite du roman colonial, il en subvertit néanmoins l’esprit. Il s’agit d’un changement de perspective dans la façon d’écrire à partir de l’Afrique et sur elle. Pour beaucoup de romanciers, il fallait décrire l’Afrique de l’intérieur, témoigner de sa misère coloniale ou ses grandeurs précoloniales, ce qui n’est pas allé sans susciter beaucoup de débats sur la mission de l’écrivain africain.
Introduction aux littératures francophones, Montréal, PUM, 2004.
Ainsi, les romans africains sont souvent très engagés. Ils permettent de faire connaître l’histoire de l’Afrique, de préserver la mémoire de légendes locales et de mieux définir l’identité africaine. Naissent ainsi de nombreuses œuvres à saveur historique, mettant en scène différents dirigeants de l’histoire de l’Afrique, comme le chef zulu Chaka ou la dynastie malienne des Keita.
Parallèlement au roman historique, le roman d’apprentissage est aussi très présent dans la littérature africaine. Le roman d’apprentissage raconte le cheminement évolutif d’un personnage, sa maturation. Cela en fait un genre particulièrement approprié pour des écrivains qui cherchent à explorer le thème de l’identité.
Dans les années 1960, les indépendances changent complètement le paysage littéraire africain. Mobilisés pour des fonctions politiques et administratives, les intellectuels ont moins de temps pour écrire. La négritude est remise en question ; elle semble renvoyer une image trop idéalisée, trop déformée, de l’histoire africaine. Cette rupture avec la négritude est marquée, entre autres, par la publication du roman Le devoir de violence, de Yambo Ouologuem, qui s’attaque directement à la mythologie du passé glorieux africain.
Bien entendu, l’évolution des sociétés africaines nouvellement indépendantes devient rapidement un thème littéraire. Ainsi, plusieurs écrivains dénoncent à travers leurs œuvres la corruption du pouvoir. Alioum Fantouré, par exemple, montre dans son roman Le cercle des tropiques comment les anciens colonisateurs continuent à contrôler une partie de l’administration des pays supposément indépendants, et comment les citoyens souffrent dans de nouveaux régimes locaux mais dictatoriaux.
On remarque aussi une recherche et une expérimentation au niveau de la langue et de la forme, de nombreux écrivains incorporant à leur textes différents éléments de la tradition orale africaine. Dans les années 1980, les femmes écrivains développent plus avant le récit autobiographique. La littérature francophone de chaque pays développe ses caractéristiques propres et ses classiques qui sont étudiés dans les écoles. Chaque année sont publiées en Afrique quantité d’œuvres francophones. Pourquoi ne pas en lire une d’ici vendredi, pour célébrer la Journée Internationale de l’écrivain africain?
Référence principale de cet article :
Introduction aux littératures francophones, Montréal, PUM, 2004.