Quoi de mieux pour commencer la semaine de la fierté qu’une rencontre avec les deux esprits à l’origine de la websérie Féminin/Féminin? Pour ceux et celles qui n’auraient pas eu la chance d’en entendre parler, petite mise en situation : il y a trois ou quatre ans, Florence Gagnon, présidente et fondatrice de LA référence lesbienne, Lez Spread the Word, conçoit l’idée d’une websérie offrant un coup d’œil de la communauté lesbienne de Montréal. Florence Gagnon contacte la scénariste et réalisatrice Chloé Robichaud. Au fil de nombreuses conversations, les deux jeunes femmes donnent une forme de plus en plus concrète à l’idée. C’est en janvier 2014 qu’est lancé l’épisode pilote, disponible gratuitement en ligne, comme le sont bientôt les sept autres épisodes de la saison.
C’est forte du succès de son film Sarah préfère la course que Chloé Robichaud (à mes côtés ci-contre) a obtenu les services et les commandites de plusieurs de ses contacts. Florence Gagnon et elle ont également investi beaucoup de leur propre argent. Aujourd’hui, la série a été visionnée par près d’un demi-million de personnes, mais les deux jeunes femmes rentrent à peine dans leur argent. Robichaud affirme, sans donner de noms, que plusieurs diffuseurs télé se sont montrés intéressés à acheter Féminin/Féminin, et que même si aucun contrat n’est encore signé, il est très probable que la série sera diffusée en France à la télévision. La série semble déjà rejoindre le public français, qui représente environ un quart du nombre de visionnements de la série. Il est également possible qu’il y ait une deuxième saison à la série, mais cela demeure très incertain. Robichaud souligne qu’il a déjà été très difficile de financer la première saison.
La websérie met en vedette les comédiennes Julianne Côté, Alexa-Jeanne Dubé, Ève Duranceau, Éliane Gagnon, Sarah-Jeanne Labrosse, Kimberly Laferrière, Émilie Leclerc-Côté, Marie-Évelyne Lessard, Macha Limonchik, Carla Turcotte et Noémie Yelle. Certaines de ces comédiennes sortent à peine de l’école. « C’est important pour moi de faire découvrir de nouveaux talents et de leur offrir une visibilité, » a affirmé Chloé Robichaud dans une entrevue donnée à Julie Vaillancourt pour le magazine Fugues.
C’est dans le cadre de Fierté Montréal qu’était organisée la discussion. Environ quarante personnes (dont deux hommes) s’étaient déplacées pour participer à la discussion, animée avec brio par Mylène St-Pierre, responsable du volet féminin de Fierté Montréal. Au fil des questions, nous avons eu droit à quelques anecdotes de tournage. Par exemple, Chloé Robichaud raconte comment, en se jetant sur un lit, deux comédiennes sont tombées, les seins les premiers, directement sur un caméraman un peu timide… La réalisatrice explique que c’est toujours gênant lors de la première prise d’une scène de nudité, mais qu’ensuite la routine prend vite le dessus et qu’on travaille de la même façon qu’à l’habitude. Elle ajoute qu’elle a une « drôle de job » en se souvenant comment elle a rêvé que Suzanne Clément et Hélène Florent s’embrassaient… puis que c’est arrivé devant ses yeux! Parmi ses comédiennes, elle décide qui s’embrassera… « et elles le font! » s’exclame-t-elle joyeusement. Elle raconte aussi comment ses comédiennes hétérosexuelles étaient motivées à en apprendre plus sur les pratiques sexuelles lesbiennes pour être plus à l’aise devant la caméra. Ainsi, Kimberly Laferrière s’est fait un devoir de regarder la célèbre (du moins chez les lesbiennes) série télévisée The L Word. Quant à Alexa-Jeanne Dubé, elle a apprivoisé l’idée que son personnage était amoureux de celui de Laferrière… en changeant son fond d’écran de cellulaire pour une photographie de Laferrière pour les trois semaines du tournage.
Moins bavarde que Chloé Robichaud, Florence Gagnon (à mes côtés ci-contre) semble tout de même avoir beaucoup apprécié son expérience de création. Elle explique qu’avec Lez Spread the Word, tout est centré sur l’info, tandis qu’avec Féminin/Féminin, malgré les apparences de documentaire que prend parfois la série, la mission est très différente. Cette fois-ci, l’idée n’est pas de représenter la communauté lesbienne, mais d’en « donner un coup d’œil », ce qui apporte une dimension beaucoup plus personnelle. Lorsque je lui demande quelle est la chose qu’elle aimerait que l’on retienne de Féminin/Féminin, s’il devait n’y en avoir qu’une, elle répond : « C’est une série positive. » Chloé Robichaud appuie et raconte comment, dans sa jeunesse, elle s’est reconnue dans un film qui se terminait par le suicide du personnage et s’est demandée « est-ce que c’est ça qui m’attend? » Les deux jeunes femmes s’entendent pour dire qu’il est important de montrer aux jeunes lesbiennes que même si découvrir son orientation sexuelle ou sortir du placard peut être une expérience difficile, il y a du bonheur au bout du tunnel.
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